M. Karim CISSE Directeur Général du Travail & de la Sécurité Sociale « La réforme du Code du Travail repose sur une approche tripartite qui implique le Patronat et les Centrales Syndicales... »
Nous avons jugé nécessaire de procéder à une réforme du Code du Travail.
D’emblée, il convient de rappeler que la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail est en vigueur depuis 25 ans. Il est tout à fait normal qu’à l’épreuve du temps, les partenaires sociaux évaluent ses forces et ses faiblesses en tenant compte du contexte, des enjeux et des défis du marché du travail. Pour rappel, la question de la réforme du Code du Travail a déjà été agitée dans le cadre du PREAC III pour accompagner la compétitivité des secteurs de l’économie et l’attractivité aux investissements privés, domestiques et étrangers. Dans la même optique, l’amélioration du cadre juridique du travail décent constitue l’objectif général du projet « Ensemble vers la réforme du travail », établi dans le cadre de l’initiative « Compact with Africa », lancée en 2017 par le G20. Cette initiative vise l’amélioration des conditions propices à l’investissement privé, afin de générer des emplois et revenus, notamment pour les jeunes. Par ailleurs, avec l’apparition de la pandémie de Covid-19, le marché du travail a connu une perturbation historique. En effet, d’après l’Organisation internationale du Travail (OIT), en 2020, 8,8 % des heures de travail au niveau mondial ont été perdues par rapport au quatrième trimestre 2019, ce qui équivaut à 255 millions d’emplois à temps plein. Cette situation pose un défi aux pouvoirs publics relativement à la sécurité de l’emploi. A cela s’ajoute une profonde restructuration du marché du travail depuis mars 2020 du fait du développement des modalités de travail à distance, ce qui a renforcé la croissance de l’économie numérique et impose une adaptation, ici et ailleurs, de la législation du travail. La conformité de notre législation aux normes internationales du travail est aussi une préoccupation fondamentale dans la réforme envisagée. Enfin, pour parachever la réforme, un travail spécifique sera consacré aux textes d’application du Code du Travail prévus et non pris ainsi qu’à ceux qui sont déjà en vigueur et doivent être adaptés aux besoins exprimés par les partenaires sociaux
Ainsi, la législation du travail est appelée à jouer un rôle primordial pour rétablir l’équilibre du marché du travail, retrouver une nouvelle normalité et surtout garantir le travail décent productif et librement choisi.
Les grands axes de la réforme ont été identifiés et partagés avec les partenaires sociaux
La réforme du Code du Travail repose sur une approche tripartite qui implique le Patronat et les centrales syndicales. Ces derniers, sous la direction du Ministère en charge du Travail, ont déjà validé le rapport d’évaluation de la législation du travail actuelle produit par des consultants. Un comité de pilotage comprenant les mêmes acteurs est présentement à pied d’œuvre pour examiner et adopter les pistes de réforme proposées par l’Administration du Travail. Une note d’orientation consensuelle définit le périmètre de la réforme autour des points suivants :
1. Modernisation et prise en compte du numérique
L’introduction et l’encadrement du télétravail ont fait l’objet d’un consensus de même que la dématérialisation et l’optimisation des procédures au niveau de l’administration du Travail : dépôt du contrat de travail, du bilan social et de la DASMO.
2. Liberté syndicale, dialogue social et négociation collective
Des discussions sont en cours concernant la révision des formalités liées au récépissé de reconnaissance syndicale, la réquisition, en cas de grève, une définition légale de la notion de différend collectif et la rationalisation des instances de dialogue social dans l’entreprise.
3. Sécurité de l’emploi
Pour mieux garantir la sécurité de l’emploi, il est envisagé la révision du dispositif juridique relatif aux travailleurs journaliers et saisonniers et temporaires, la modification du cadre juridique du CDD et le renforcement du cadre juridique du chômage technique.
4. Temps de Travail
La réforme porte aussi sur l’organisation du temps de travail à temps partiel, la révision des régimes dérogatoires au principe de 40h et l’adoption d’un dispositif juridique sur le repos compensateur, la réforme du système des équivalences.
5. Aspect genre et principes de non-discrimination au travail
Les textes récemment pris en faveur de la protection de la femme et de la non-discrimination seront consolidés dans la nouvelle législation du Travail, à savoir:
• la loi n°2022-02 du 14 avril 2022 complétant certaines dispositions de la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail relatives à la protection de la femme en état de grossesse ;
• la loi n°2022-03 révisant et complétant certaines dispositions de la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail relative à la non-discrimination au travail ;
• le décret n°2021-1469 du 03 novembre 201 relatif au travail des femmes enceintes.
6. Sécurité et santé au Travail
La sécurité et santé au travail occupera aussi une place importante pour renforcer la prévention des risques professionnels surtout après l’adoption par la 110ème session de la Conférence internationale du Travail d’une résolution intégrant un milieu de travail sûr et salubre parmi les principes et droits fondamentaux au travail.
7. Moyens de contrôle
Afin de préserver des conditions de travail décentes et lutter contre les abus, le renforcement des moyens juridiques d’intervention de l’Inspecteur du travail constitue aussi une priorité.
8. Rupture de la relation de travail
Le cadre juridique de la rupture de la relation de travailleur sera un domaine phare de la réforme. En effet, l’objectif est de réadapter la rupture du contrat de travail aux contingentes économiques et sociales actuelles. A ce propos il sera proposé le réaménagement des modalités de ruptures du CDD et le renforcement du dialogue social en cas de licenciement pour motif économique.
9. Règlement des différends
L’objectif de la réforme sur ce point est de réviser le cadre juridique de règlement du différend collectif, en particulier par le renforcement des moyens juridiques de l’inspecteur du travail (amendes, saisine directe du président tribunal) afin de lui permettre d’obliger les parties à se conformer à la législation en cas de violation grave. Il est aussi proposé d’encadrer le pouvoir du juge dans la détermination des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
propos recueillis par CNP/COM
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